Ecrire design, c’est éradiquer les phrases anaconda

Mar 11th, 2012 | Par | Catégorie Sélection de billets, ° la phrase

La phrase anacondaLe seigneur des marais

Terrifiantes, les  histoires d’anaconda, le seigneur des marais ! Ce serpent – non venimeux mais de plus de 3 mètres – enserre sa victime avant de l’engloutir toute.

Quiconque lit le sait :  à la vue d’un anaconda, on est sidéré ou bien on fuit à toutes jambes.
La phrase anaconda est en effet mortelle. Sa longueur étouffe l’attention et la compréhension.

Enserré dans les anneaux des subordonnées, le lecteur se débat quelques instants. Puis il abandonne. Il est perdu.
Il devait ingurgiter du sens, c’est la phrase qui l’engloutit tout cru.

 

Spécimen

Voici un spécimen de phrases anaconda :

Daniel Auteuil qui est à l’affiche de “La mer à boire”, film dans lequel il se bat contre la crise pour sauver son entreprise et ses salariés, passe à nouveau derrière la caméra (son premier film “La fille du puisatier” d’après l’oeuvre de Marcel Pagnol sortira sur les écrans le 20 avril prochain) pour réaliser une nouvelle “Trilogie marseillaise” : Marius, Fanny & César, les romans éponymes du même auteur.

Comment reconnaître une phrase anaconda ?

Un outil de mesure est nécessaire pour identifier la bête : c’est l’empan de lecture.
L’empan de lecture, c’est la taille de la mémoire de travail du lecteur. C’est le nombre de mots qu’il est capable de manipuler dans le processus de compréhension. L’empan de lecture est  limité : il varie entre 8 et 20 mots par phrase. Arrivé à la fin d’une phrase de cette taille, le lecteur se souvient du début.
Cet empan de 8 à 20 mots – maximum – varie selon le lecteur : son âge et sexe, son état psychologique et son niveau d’études (littératie). L’empan de lecture est aussi fonction de la syntaxe de la phrase et du vocabulaire utilisé.

Notre spécimen fait 70 mots. Le monstre ! 70 mots : aucun empan ne peut mémoriser une telle séquence avant de l’analyser. La phrase engloutit son lecteur.

La phrase dépasse les 20 mots ? Je suis face à une phrase anaconda. 

 

Comment éradiquer les phrases anaconda

Que faire ? Simple : le rédacteur doit rédiger de multiples phrases correspondant à l’empan de lecture.

Construisons donc des phrases d’une longueur variant entre 8 et 16 mots.
12 mots et moins, tout est retenu. Au-delà la perte mémorielle croît de façon exponentielle.
S’en tenir à 16 mots maximum et  mettre les mots importants en début de phrase.

Enfantin ? On raconte que Napoléon fixait la longueur idéale d’une phrase à 14 mots. C’est d’ailleurs la longueur moyenne des phrases dans ses proclamations.
De plus, la structure d’une phrase courte est élémentaire (sujet – verbe – complément) : cette simplicité est tout bénéfice pour le lecteur moyen ou le lecteur rapide.

Une remarque :  élargissons le sens commun de phrase.
Il fait vraiment très beau aujourd’hui en France et je m’en vais donc prendre le train pour filer à la mer.
Selon le sens commun, il s’agit là d’une unique phrase de 21 mots. Mon cerveau, cependant, l’analyse comme 2 ensembles de sens. Ces 2 sous-phrases constituées de  9 et 12 mots ne saturent pas mon empan de lecture.
Je peux utiliser 2 sous-phrases. Pas plus.

 

Qu’on apporte le tranchoir !

Nous allons débiter en tranches notre spécimen bordelais : phrases plus courtes, compréhension plus aisée.

Daniel Auteuil passe à nouveau derrière la caméra. Il réalise une trilogie marseillaise : Marius, Fanny & César. Ces  films sont tirés des romans éponymes de Marcel Pagnol, comme son premier film, La fille du puisatier. Celui-ci sortira sur les écrans le 20 avril prochain.
Actuellement, Auteuil est à l’affiche de La mer à boire. Il s’y bat contre la crise pour sauver son entreprise et ses salariés. 

Que retenir ?

Pour respecter l’empan de lecture, la phrase contiendra entre 8 et 16 mots. Pas plus.
La lecture est alors aisée.

 

En voilà un qui mouille sa chemise !

Voici le film d’une récente rencontre avec un anaconda. C’est pas Zorro, c’est pas Catherine Zeta-Jones, mais c’est du coeur à l’ouvrage.

 

S’il vous reste quelques forces…

  1. La phrase anaconda est contre-productive en écriture utilitaire.
    En écriture littéraire, si l’écrivain maîtrise son art, c’est un effet de style. Voyez Proust – longueur moyenne des phrases : 43 mots, avec des pointes à 500  – ou Levi Strauss  dans Tristes Tropiques.
  2. L’empan visuel et l’empan mnésique sont d’autres empans.
  3. Dans les années 60, Richaudeau a étudié l’empan de lecture.
  4. Des juristes québécois – les Québécois sont redoutables et décidés ! – partent à la chasse de la phrase anaconda.
  5. Une savante étude sur les outils de mesures de l’empan de lecture :
    C. Delaloye et al., L’Empan de lecture comme épreuve mesurant la capacité de mémoire de travail : normes basées sur une population francophone de 775 adultes jeunes et âgés, Revue européenne de psychologie appliquée (2007), doi: 10.1016/j.erap.2006.12.004.

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Photo :  © Columbia Pictures
Affiche du film Anacondas 2 : Anacondas : à la poursuite de l’orchidée de sang
Trouvée sur le site http://www.notrecinema.com

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3 commentaires to “Ecrire design, c’est éradiquer les phrases anaconda

  1. Luis dit :

    Pour ceux qui suivent, Jennifer Lopez est à Anacondas ce que CZJ est au gouverneur Don Rafael Montero.

  2. Etienne B. dit :

    Mais comment as-tu faire pour lire l’article 24 heures avant les autres ??

  3. Luis dit :

    Tu sais que j’aime me faire remarquer.

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