Le bug perceptif ? Avec quoi vient-il encore !

Jan 19th, 2013 | Par | Catégorie Notes & notions

Bug perceptifEt si nous parlions  du design sensoriel et d’un concept adjacent : le bug perceptif ?
Le design, l’universal design, nous en avons déjà touché un mot.

Oui, Madame

Salon de l’auto. Vous vous décidez enfin à remplacer votre Peugeot 205  par un coupé Mercedes.
Coup de tête.
Félicitations !

Vous conviendrez que question carrosserie, il y a une différence. Quelle ligne ! Des designers de haut vol ont beaucoup travaillé sur la planche à dessin.
Et des ingénieurs ont veillé aux plaisirs de vos autres sens.
Vous fermez la portière ? Pas un bringuebalant  Vlaaam avec les vitres qui vibrent mais, plutôt, un Vwoufff onctueux et le silence intérieur.
Le coffre de la malle arrière ? Vous le fermez soit de l’intérieur, soit d’une légère poussée. Il descend avec douceur, avec le claquement net et sécurisant de la fermeture.
Vous changez de vitesse ? Le pommeau s’arrondit doux et ferme au creux de votre main. Oui, Madame.
Question odeur, pas besoin d’accrocher un sapin Vapona au rétroviseur.
Et le GPS, ce n’est pas un gendarme qui vous enjoint : Tournez à gauche ! mais une demoiselle qui vous confie : Veuillez tourner à droite.

Les cinq sens

Tout cela relève du design sensoriel.  Le design « sensoriel », c’est littéralement la prise en compte du ressenti de l’utilisateur dans la conception d’un produit, d’un espace ou d’un service. (…)  Le design sensoriel s’intéresse à concevoir (des) sensations plutôt qu’à les subir (Louise Bonnamy)

Le design sensoriel consiste, dans la conception d’un objet, à tenir compte de la qualité perçue par les utilisateurs. Non seulement par la vue mais aussi par le toucher, l’ouïe, l’odorat, le goût.
Il s’agit là d’une évolution du design tout visuel. A l’heure où les produits remplissent des fonctions similaires et se font concurrence, le design sensoriel fait la différence.
Le design sensoriel  – il  se fonde sur des  mesures objectives et expérimentales de la qualité perçue –  est source d’innovation en produits et services.

Houlà !  la boîte à gants…

Imaginons maintenant que la boîte à gants de votre nouvelle Mercedes soit en méchant plastique sonnant creux. Mal insonorisée, on y entend cliqueter vos clés, téléphone et lunettes. Rien que d’y penser…
Votre coupé n’en consommera pas plus. Avec ses dix airbags, il n’en sera pas moins sûr. Ni moins beau filant vers l’Atlantique.
Et pourtant malaise. Ce bruit de camelote vous agace. Et si le moteur V6 était de même qualité…
Cette boîte à gant – imaginaire – est faute contre le design sensoriel.  On dira qu’il y a là un bug perceptif, c’est-à-dire une fracture entre la qualité intrinsèque du produit – les qualités techniques objectives du coupé – et la qualité perçue par l’utilisateur.
Tout bug perceptif est pénalisant.  Il est à corriger. La conformité entre le produit et sa perception doit être rétablie : vous pourriez préférer l’Audi…

La Mercedes est un exemple caricatural. Mais les applications du  design sensoriel sont désormais partout : c’est le tiroir de cuisine qui glisse avec douceur, se ferme en freinant sans bruit. C’est sa poignée agréable au toucher.
C’est le pot de nourriture pour bébé avec son pop à l’ouverture : il nous rassure sur l’étanchéité.
Le bug perceptif, c’est la barre d’aluminium dans le métro, la barre lisse et moite que tout le monde saisit à pleine main.

 

Bon ! Et l’écriture, dans tout cela ?

Pour un produit destiné à la vente, une conception trop techno-centrée ne suffit pas : à la recherche de la qualité intrinsèque, il faut ajouter celle de la qualité perçue. 

Je veux être lu ? C’est la même quête,  je dois me soucier du ressenti de mon lecteur.
Difficile bien sûr, dans un texte utilitaire, d’intégrer du design sensoriel. On peut néanmoins éviter tout bug perceptif.

– La faute d’orthographe ? Il est rare qu’elle dégrade la qualité intrinsèque du texte, sa clarté et sa concision. Mais elle altère la qualité perçue par nombre de lecteurs ; à tort ou à raison, on s’en fiche. Une faute d’orthographe est un bug perceptif.
Bien entendu, le contexte détermine ses effets : affligeants si votre fonction  est centrée sur l’écrit, anodins si vous écrivez à un collaborateur complice.

– boileau reçoit une lettre de la BNP. Une lettre de séduction expédiée par la poste et soi-disant signée par l’administrateur délégué. Belle enveloppe, riche papier.
Les destinataires de ce type de courrier ont, pour lire, l’âge de porter des lunettes. Pourquoi donc utiliser cette police de caractères si fluette et cette taille de 9 ou 10 ? Piètre lisibilité visuelle du texte.  Bug perceptif.
L’effet recherché par le coûteux papier d’impression est annulé.

Et, tant qu’on y est,  voyons les salutations : Cher Monsieur BOILEAU,
Le BOILEAU tout en majuscules comme dans un banal courrier publicitaire, le Monsieur BOILEAU – au lieu de Monsieur – pour s’adresser à son interlocuteur, le Cher de la part de ma banque pas trop chérie : trois bugs perceptifs dès les salutations.
Elle est ratée, la lettre de séduction : je prends mes distances.

On dira que c’est chercher la petite bête, que l’important c’est le texte. Et puis, tu rigoles, boileau : ce design demande du temps. On n’a pas que cela à faire … D’accord.

Convenons de ceci : l’enjeu de ma note est important ? Je fais alors attention aux bugs perceptifs. La boîte à gants, le diable caché dans les détails, quoi !
C’est le prix de l’adhésion du lecteur.

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En savoir davantage sur le design sensoriel  ?

Synthèse
Définition et terminogie (savant)

De différents types de bugs perceptifs  (powerpoint)

Petit jeu ?

Et si vous signaliez à boileau ses propres bugs perceptifs ?

– Déjà signalée et remplacée : la photo annonçant  le cours du 9 février à Bruxelles où j’avais les bras croisés, non mais dis donc !

– Corrigé, le rouge au front : le soit-disant supra. Et pas vu en plus après x relectures !

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©  Mercedes Classe E  Coupé 2009

 

 

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2 commentaires to “Le bug perceptif ? Avec quoi vient-il encore !”

  1. philippe dit :

    Excellent billet. En effet, le design sensoriel a la cote. Par exemple le marketing olfactif qui s’insinue dans notre cerveau en réveillant des bonheurs anciens, pour nous pousser ensuite à consommer. Le design sensoriel est aussi émotionnel, et peut s’appliquer sur le web en offrant une expérience positive aux internautes. Lisez à ce sujet l’excellent livre d’Aarron Walter (Design Emotionnel – Eyrolles). Enfin, concernant la forme d’un mailing commercial, boileau, à nouveau, tu touches en plein coeur. Une lettre commerciale mérite la plus grande des attentions des rédacteurs dont je fais partie : emballage, forme, en-tête, taille de caractère… Un très bel exercice où créativité doit rimer avec efficacité.

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