Francophone ? On le devient.

Déc 28th, 2013 | Par | Catégorie - Francophonie

boileau.proLa dictée de Metternich

L’impératrice Eugénie, en 1857, demanda à Prosper Mérimée de composer une dictée. Deux cents mots. Cela distrairait la cour. Après-midi terne à Fontainebleau. On rirait.
Proclamation des résultats. On rit moins : Napoléon III, 75 fautes ; sa femme l’impératrice, 62 ; Alexandre Dumas, 24 et un académicien, 19.  Metternich fils, ambassadeur d’Autriche, fut le meilleur : 3 erreurs.

L’académicien se serait alors tourné vers Metternich : « Quand allez-vous, prince, vous présenter à l’Académie pour nous apprendre l’orthographe ? ».

On notera que Napoléon III était français, l’impératrice espagnole et Metternich autrichien.

Et un Congolais

Nadeau, qui reprend l’anecdote de la dictée, en raconte une autre.
D’origine congolaise, le professeur Bisanswa,  titulaire de la chaire de recherche du Canada en littérature africaine et francophonie de l’Université Laval, annonce à ses étudiants :
– Soignez vos travaux. Je noterai avec rigueur la correction de la langue.
– Comment pouvez-vous nous donner des leçons de langue alors que ce n’est pas la vôtre ? protesta une étudiante.

Pour le professeur Bisanswa,

La provenance, ça ne devrait pas être d’où l’on vient, mais par où l’on est passé. La plupart des Africains, comme moi, n’ont pas le français pour langue maternelle, mais nous sommes passés par l’école, je suis passé par la Belgique, j’enseigne au Québec et je vais aux États-Unis chaque mois. Comment pouvez-vous mobiliser des gens pour le français en leur disant constamment qu’ils parlent une langue étrangère?
D’ailleurs, qu’est-ce qu’une langue étrangère ? Le français est aussi langue étrangère pour un Corse, un Breton, un Basque.

Une morale ?

Ces deux anecdotes renvoient à une conception normative du langage. D’accord ! Et l’une fait référence à un monde disparu, c’est vrai aussi.
Elle disent néanmoins ceci  : On ne naît pas francophone, on le devient.  Autrement dit, on est francophone par où l’on est passé, et non pas d’où l’on vient.

Nadeau poursuit sur la nécessité suivante :

avoir une conscience aigüe que l’on partage une même civilisation parce que l’on parle une même langue.
La civilisation grecque parlait grec, la civilisation romaine parlait latin. Il y a une civilisation francophone qui parle français…
Sauf que le monde des francophones est parfois en butte à des réflexes de repli identitaires très forts – les imperceptibles impolitesses.

 

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photo : © eb

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