Fracture numérique continentale
Jan 21st, 2012 | Par boileau | Catégorie Notes & notionsConversation amoureuse transcontinentale
Toute communication nécessite un canal, à savoir un support physique assurant l’acheminement des signaux constituant le message. En communication verbale, l’air est un canal de communication. Pour transmettre un message – plus exactement le code du message – à son destinataire, je dispose d’autres canaux : la feuille de papier pour un texte, les câbles électriques, le réseau téléphonique, les ondes hertziennes, le temps clair pour le sémaphore et les signaux de fumée des Indiens…
Les canaux de communication dont je dispose déterminent ma conception des distances, mes relations sociales et leur forme : par Internet – chat et cam – ou bien par lettres et voie maritime, les conversations amoureuses entre Gudule (Maubeuge) et Miguel (Sao Paulo) ne sont pas de même nature. Quoi qu’en pense Maman.
Le télégraphe et le sultan
La maîtrise ou non d’un canal de communication, l’accès dont je dispose ou non déterminent mon pouvoir et mon niveau d’information : c’est grâce au canal télégraphique que l’Angleterre du XIXème a développé son Empire en Asie et aux Indes. Pour cela, elle a voulu installer ce nouveau canal à tout prix. C’est par ce même canal que l’Empire ottoman renforça l’autorité du sultan. Au dam des pachas : la communication rapide de ses instructions, au fond de provinces auparavant inaccessibles, affaiblissaient leur indépendance et leur despotisme.
On lira à ce sujet le passionnant article de la revue Persée (1994) La télégraphie au service du sultan ou le messager impérial
Internet et stratégie géopolitique
Internet est le canal du XXIème siècle. Il bouleverse notre vision de l’espace géographique. Contrôlé par les Etats-Unis, il consolide sa puissance planétaire et accroît notre dépendance.
L’Afrique, immense, est le continent où le taux de pénétration Internet est le plus faible.
Cet état de fait nuit aux ambitions économiques et culturelles occidentales ainsi qu’à leurs intérêts géopolitiques.
C’est pourquoi, sont réalisés en Afrique d’importants investissements en câblage haut débit.
Câble sous-marin ACE
En 2012, France Telecom mettra en service le câble sous-marin ACE, Africa Coast To Europe.
Le câble est en place : $ 700 millions de dollars, 17.000 km de fibres optiques.
En reliant la France à l’Afrique du Sud, ACE assurera l’Internet haut débit à 23 pays de la côte Ouest africaine. Le haut débit sera une nouveauté pour la Mauritanie, la Gambie, le Sierra Leone, la Guinée…
Le Mali et le Niger seront connectés par voie terrestre. Tous ces pays vont ainsi accéder à de nouveaux usages.
ACE est raccordé au câble connectant l’Europe au Japon et à l’Australie, via l’Inde. De plus, relié au réseau France-Telecom, ACE assurera la connexion de l’Afrique aux Etats-Unis.
L’essor, le pouvoir ou l’influence – soft power – passent par l’échange d’informations et la maîtrise des canaux de communication. Rien ne change sous le soleil. Déjà le sultan…
Aujourd’hui, il importe donc de réduire la fracture numérique de l’Afrique et d’y développer le débit du canal du XXIème siècle – Internet.
Ces efforts pour une Afrique numérique sont sans doute à mettre en perspective avec ce qu’y font les Chinois.
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Cliché, repris avec autorisation, du site de Stephen Song
Voir aussi :
– Orange connecte le câble sous-marin ACE à la France
– Nouveau câble sous-marin ACE