La force des mots épate le boucher
Déc 26th, 2012 | Par boileau | Catégorie ARCHIVES EBQuand les provisions commencent à manquer, il faut alors descendre au village, dans la vallée. Vous y trouverez vite la boucherie : ses murs de façade sont rouge sang. Le boucher est un bon boucher et aussi un brave homme. Il est dur à la tâche, comme on l’est dans ces forêts. Cela ne l’empêche pas de s’étonner de tout et de rien, ce qui fait son charme d’ours mal rasé et les rigolades avec la clientèle.
La dernière fois, la puissance d’évocation des mots l’épatait.
Il s’esclaffe encore en racontant qu’au réveillon de Noël, il a offert à ses invités, en apéritif, une de ces préparations dont il a le secret. Tout embaumait le pain grillé frotté au thym, à l’ail et, posées dessus, persillées, les tranches de charcuterie tantôt tièdes tantôt grillées.
Le troisième plateau avait été dévoré tout comme les précédents. Au moment d’apporter le quatrième, il fait remarquer à sa fille – celle qui est ronde, rose et appétissante comme une caille – :
– Tu vas voir. Si ça continue, ils ne nous laisseront rien. Moi qui adore ces toasts…
– Dis-leur donc ce que c’est.
Alors le boucher à la cantonade :
– C’est bon ? Qui en veut encore ?
Tout le monde évidemment…
– Cela me fait plaisir que vous aimiez, dit le boucher. C’est un plat rare. Peu de gens savent apprécier chez le taureau, ses testicules.
Le boucher et sa caille de bouchère ont mangé seuls le quatrième plateau.
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Voir aussi : Ce qui n’a pas de nom n’existe pas.
En cuisine, on appelle aussi amourettes ou animelles les testicules de taureau.
photo © eb, 2009