Ecrire design, c’est éviter les expressions toutes faites

Nov 25th, 2012 | Par | Catégorie ° les mots

Expressions toutes faitesDes pissenlits

Les expressions toutes faites, si nous n’y prenons garde, fleurissent dans nos textes comme les pissenlits.
Ces locutions – suites de mots prévisibles –  anesthésient le lecteur. Ces clichés pissent l’ennui. Le lecteur, il faut l’enchanter.

Enterrer ou déterrer la hache de guerre.
Sortir de l’anonymat, de l’impasse.
Sortir la tête de l’eau, la tête haute, sa dernière carte…

Sa part du gâteau, un fleuron de l’industrie, le parcours du combattant.
Le ballet incessant des voitures officielles, une noria de camions, la croisée des chemins…

La France profonde, dans la langue de Molière, nos chères têtes blondes…
Mettre tout son poids dans la balance, passer à la trappe, à travers les mailles du filet, au peigne fin…

Tant qu’a faire :
Il a franchi la ligne  rouge (ou blanche), il entame (avec son épée de Damoclès ? ) sa descente aux enfers.
Après sa traversée du désert, il avait enfin tourné la page et pouvait regarder l’avenir en face. 
Bien que revenu à la case départ, il avait fait un pas dans la bonne direction et retrouvé un second souffle, si pas une seconde jeunesse.

Eliminer les poncifs

Pour qui se soucie d’une écriture design et donc de l’attention de son lecteur, les poncifs sont des fautes contre le goût et la communication.
Mettre tout son poids dans la balance, passer à la trappe, à travers les mailles du filet, au peigne fin… ces métaphores usées n’éveillent plus d’images dans l’esprit du lecteur.
Une seule solution : arracher tant que possible ces suites convenues de mots et les remplacer par le mot adéquat.
Le propos y gagnera en concision, la grandiloquence en moins.

Nos chères têtes blondes, ce sont nos enfants
Faire l’effet d’une bombe, machine arrière, toute la lumière
, c’est étonner ou surprendre ; reculer ou changer d’avis ; expliquer ou comprendre.
Tirer la sonnette d’alarme, c’est, selon le contexte,  avertir, prévenir, signaler, aviser, alerter, dénoncer, présager, sensibiliser…
Mettre la dernière touche, c’est clore, conclure, finir, terminer, achever, boucler, parachever…
Remettre les pendules à l’heure, c’est, selon le contexte, préciser, se mettre d’accord, régler, rappeler…

L’élimination de la locution banale est parfois difficile. Trouver un verbe ou un substantif synonyme peut être ardu. On s’apercevra que, parfois, supprimer toute la phrase contenant la locution, sans la remplacer, est suffisant.

Il ne s’agit pas de rejeter toutes les expressions, mais de ne les utiliser qu’avec parcimonie. Et à la locutions banale, on préférera, avec précaution, celle qui titille l’attention par son originalité : Tomber des nues > tomber de la lune
Et encore faut-il être certain d’être compris. Tout le monde comprendra-t- il que  mener les poules pisser, c’est effectuer des travaux insignifiants ou fictifs ?  Cet employé mène les poules pisser.

Consulter le Dictionnaire des expressions et locutions d’Alain Rey et Sophie Chantreau est un plaisir.

Se soigner par le jeu  

Ces expressions pontifiantes, il faut en jouer. En jouer, c’est s’en guérir.
Exemple :

Jeter le bébé avec l’eau du bain deviendrait Jeter la pépée avec le seau du bain
Un colosse au pied d’agile -> Un molosse au pied de Gilles
Avoir droit à l’erreur -> à l’horreur
Une moisson de médailles -> un poisson de ferraille
Vaste fresque historique -> frasque, farce

Essayez de transformer  :
Vent en poupe, tous les atouts dans son jeu, trêve des confiseurs, sous les feux des projecteurs, marquer d’une pierre blanche, voler de ses propres ailes.

C’est un jeu. Dans un texte professionnel, employer des expressions détournées ou les calembours, c’est  aventureux – j’allais dire à vos risques et périls –.

Un autre jeu 

Un autre jeu est celui qui consiste à imaginer la question auquel répond le poncif.

Comment est donc ce personnage ? Haut en couleurs, incontournable.
Que mérite-t-il pour son travail ? 
Un grand coup de chapeau.
Qu’a-t-il gravi à force d’efforts ?
 Les plus hautes marches du podium.
Où a-t-il donc bien pu placer la barre ? Très haut.
Qu’a t-il enfourché pour cela ? Son cheval de bataille.
Sur quoi dort-il maintenant ? Sur la paille humide d’un cachot

Essayez donc avec

Occuper le devant de la scène.
Une pépinière de nouveaux talents.
Prendre le train en marche
Réduire la marge de manoeuvre
Se tailler la part du lion
Entrer dans la légende, par la grande porte
Tourner vers l’avenir, le futur

 

Bref, les expressions toutes faites, on les fuit comme la peste (ah, ah !)

_________________________________________________

photo : © The National Archives UK-
Cayman Islands. Caymen girl playing guitar.-1948 Apr 14

 

 

Mots-clés , ,

8 commentaires to “Ecrire design, c’est éviter les expressions toutes faites”

  1. Philippe dit :

    Excellent article, avec des exercices en plus, que je vais faire de suite. Dans mon métier de copywriter, j’ai deux gros défauts : les répétitions (repérables après relecture) et effectivement les expressions toutes faites. C’est plus particulièrement le cas pour les textes marketing ou publicitaires. Elles nous font gagner de la place et du temps et frappent (selon moi) plus les lecteurs/consommateurs/clients car elles leur sont connues. Je te rejoins effectivement sur l’abondance d’expressions toutes faites dans un même texte. Je ferai des efforts en ce sens, j’ai déjà commencé sur mon blog.

  2. Agnès dit :

    Monsieur Philippe

    D’accord avec le fait que ces expressions ont le mérite de convoquer une symbolique commune (comme un terrain d’entente). Elles peuvent donc être rassurantes.

    Mais ça n’est pas pour ça que j’écris. J’ai une question : quel est ce métier “copywriter” ?
    Je pourrais faire une recherche Google. Mais je choisis la convivialité ce matin.

  3. Mag à l'eau dit :

    Oui, kézaco un « copywriter » ?

  4. Mag à l'eau dit :

    avoir le vent en poupe >>> assoir séant sa croupe (elle est bien celle-ci, non ?)
    marquer d’une pierre blanche >>> barder d’une tranche rance
    voler de ses propres ailes >>> parler de ces demoiselles / rouler son proprio veule
    trêve des confiseurs >>> guerre des mareyeurs (celle-là, j’en suis assez fière)

  5. Luis dit :

    Oui, les expressions toutes faites peuvent être soporifiques. Certaines fomulations analogues, elles, donnent le prurit. Ce sont des hybrides entre locutions et tics verbaux qui témoignent souvent de l’appartenance à une caste. Qui n’a pas entendu Onkelinx (politicienne belge) déclarer que “nous avons mis des propositions sur la table” ou bien Debrigode (journaliste belge) annoncer que “Machin est désormais dans l’oeil du cylone” ne sait pas ce qu’est la douleur. Mais peut être Boileau en a t’il déjà parlé.

    (oh, Agnès est de retour !)

  6. boileau dit :

    Agnès et Luis sont de retour. Magalo est déchaînée. Parfait.
    Je n’oublie pas de m’occuper du copywriter

  7. Philippe dit :

    Agnès, Mag à l’eau, un copywriter est un rédacteur publicitaire. Ça c’est la définition courte. Comme dit plus haut, il abuse parfois d’expressions design. Par rapport à un rédacteur ‘classique’, il n’est pas payé au mot. Il écrit petit mais costaud. Le rédacteur lui, plus il écrit, plus il gagne. Le rédacteur utilise le plus souvent un style neutre, le copywriter, lui, prend position………. en faveur de son client qui veut de la dynamite. Boileau, à ta disposition pour en discuter. Je m’y engage ! Parce que le sujet le vaut bien. Et que je l’adore.

Donner un commentaire