Ecrire design, c’est gommer les négations.

Sep 24th, 2012 | Par | Catégorie Sélection de billets, ° la phrase

La négation emberlificote la lecturePhrases de type mal de tête

Quelques phrases, avec négation, lues  je ne sais plus où. Vous paraissent-elles limpides ?

– Cette solution n’est pas sans intérêt pour l’hôpital ni sans avantage pour les visiteurs des patients.
– La société ne néglige pas de développer des produits qui assurément ne sont pas les moins innovants.
– La discussion sur la stratégie n’a pas de sens si nous ne tenons pas compte des risques évoqués par les travailleurs.
– Nous ne voyons aucune raison  pour que vous ne puissiez pas bénéficier de ces conditions avantageuses.

Vous aussi, avez-vous cette impression d’entortillage et d’embrouillamini ?

 

J’épargne toute gymnastique à mon lecteur chéri

Ces phrases négatives nécessitent une relecture. Et un effort de mémorisation pour éviter le malentendu. C’est de la gymnastique inutile.

  • Cette gymnastique est due à la double négation : Cela n’a pas de sens  si nous ne tenons pas compte….

Pourquoi demander au lecteur de dénouer le nœud de la double négation ?
Il comprendra d’emblée :

– Cette solution est intéressante pour l’hôpital et avantageuse pour les patients.
– La société développe des produits innovants.
– La discussion sur la stratégie n’a de sens qu’en tenant compte des risques évoqués par les travailleurs. 
– Vous pouvez bénéficier des conditions avantageuses.

Bref, les doubles négations sont à gommer de toute écriture design. Elles embrouillent la lecture.

  •  Les simples négations sont aussi à tenir à l’œil :

– Il n’est pas interdit de penser que tout cela est un malentendu.
– Nous ne manquerons pas de vous tenir au courant.
– Vous n’êtes pas sans savoir que j’ai mis la clé sous le paillasson

Simplifions :
– Je pense que c’est un malentendu.
– Nous vous tiendrons au courant. /  Vous serez informé. / Nous vous informerons.
– Vous le  savez : j’ai mis la clé sous le paillasson.

 

Bref, évitons les tournures négatives.

Les négations embrouillent la lecture et le lecteur. Les gommer, c’est éclaircir. Des  recommandations affirmatives sont mieux entendues.

   

Alors, jamais plus de négation ?

Bien entendu, il ne s’agit pas d’éliminer toute négation. La négation adoucit, par exemple l’expression :

– Votre raisonnement est  erronéVotre raisonnement ne semble pas exact.
– Vos conseils sont hors de prix.    Vos conseils ne sont pas bon marché.

La négation fait toute la richesse de l’écriture littéraire. Vous connaissez le fameux Va,  je ne te hais point.
En fait, la négation est riche d’allusions, de sous-entendus, d’ambiguïtés :

– Ne te fatigue pas, surtout !
– Jean n’aime pas Marie (La hait-il ? L’adore-t-il ? L’aime-t-il d’amitié ? Aime-t-il Suzanne ?…)(*)

C’est pourquoi, en écriture utile, la négation doit être tenue à l’œil.

 

A ce sujet, voir aussi :

– Ecrire design, c’est éviter l’injonction négative.

– La direction fait erreur.
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(*) Pour aller beaucoup plus loin : La complexité de la négation linguistique

Photo : ©  Department of the Interior, National Park Service. Don’t kill our wild life
WPA poster attributed to John Wagner, created by the NYC Works Progress Administration, Federal Art Project, between 1936 and 1940.
From the WPA Posters Collection at the Library of Congress

Réédition d’un article de novembre 2011

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3 commentaires to “Ecrire design, c’est gommer les négations.”

  1. Elisabeth Loiseau dit :

    ‎” Ne disons pas le contraire de la vérité ” : Elio di Rupo au micro de Johanne Montay (RTBF), le 27/11/2011 .

  2. Je ne sais pas si tu connais le concept du “Posilandais”, inventé par Eric Nenin (anagramme – que je lui ai fait découvrir – de “Crie Nenni”…). C’est intéressant. Une langue, maternelle pour personne, qui se propose comme alternative à la négalectique. Mais je concède que tes exemples de phrases négatives permettant d’atténuer un propos sont pertinents. Je parle souvent dans mes interventions de “Ni Putes ni Soumises”, horrible nom selon moi parce que le premier mot que l’on entend est “putes” et non pas “ni”…
    Quant au principe de ne demander aucun effort au lecteur, je trouve que c’est une des règles de base de la communication.

    Pierre Guilbert : Expert consultant et formateur en communication et management

    http://about.me/pierre.guilbert

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