Xanax
Mai 22nd, 2012 | Par boileau | Catégorie + Casse-tête & charabiaContre la pensée unique (Odile Jacob, 2012) de Claude Hagège est un fort bon livre.
Hagège y explique et illustre le fait que chaque langue possède ses grilles d’interprétation, de découpage et de mise en mots de l’univers : notre langue influe notre mode de pensée. Hagège montre le risque d’enfermement dans les frontières d’une langue unique et d’alignement sur les structures de pensée (…) enracinées dans la langue anglaise. C’est argumenté avec pertinence.
On y reviendra.
Mais bonne mère ! Monsieur, personne n’ose-t-il relire le brillant linguiste que vous êtes ?
Votre livre est encombré de phrases anaconda. Et pour les déglutir, il faut les relire plusieurs fois. Et alors, je m’endors… Je comprends, mais je n’arrive pas à trier et retenir.
J’exagère ? Mon cerveau est-il sclérosé ? Voyez ceci. Le premier paragraphe, c’est la tisane ; le second, le xanax.
Les Etats-Unis, leur langue, leur cinéma, leurs séries télévisées n’ont jamais été aussi puissamment à la mode que depuis une quinzaine d’années. Pour ne prendre que l’exemple d’un seul continent et d’un seul pays, et en se limitant au simple spectacle de la rue et à la presse, jamais les villes de France n’ont offert au regard, à travers leurs boutiques et les annonces publiques, un tel foisonnement de mots et de phrases en anglais, jamais les journaux, quotidiens et périodiques n’ont fait une telle place aux productions américaines, y compris ceux qui, naguère, ne nourrissaient pas l’illusion du progrès intellectuel et éthique que pourrait impliquer l’américanisation de la culture et ne donnaient pas encore dans la cynique stratégie du profit financier qu’ils peuvent tirer de cette docilité devant une mode toute-puissante.
Dans ces conditions, il est difficile, même si l’on veut conserver sa liberté de penser face aux affirmations à l’emporte-pièce, de rejeter complètement des observations comme celle que j’ai entendu formuler par des amis universitaires américains que consterne l’inféodation de l’Europe à cette culture assez martelée dans les esprits pour conforter la pensée unique, en aseptisant et neutralisant toute tentative de penser librement : ce que certains de ces amis déclarent avoir entendu dire à de hauts responsables qui, dans le milieu rassurant de cénacles d’anciens élèves (« alumni ») de prestigieuses universités américaines, croyaient pouvoir exprimer la vérité sans qu’elle soit entendue d’allogènes à qui elle n’était évidemment pas destinée, ce sont des mots comme celui-ci, dont l’implication abrupte rend vain tout commentaire: « Globalization is us ! » («La mondialisation, c’est nous ! »).
Des phrases concises respecteraient, me semble-t-il, les subtilités de la réflexion, sans la simplifier et sans nous perdre dans ses méandres. boileau se trompe ? Disons alors que, pour convaincre ses lecteurs, il faut s’aligner sur leurs capacités de compréhension.
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photo : © eb
<clic> et la photo est plus belle.
Spasmes