Pêche aux Puces : Erec et Enide
Nov 7th, 2011 | Par boileau | Catégorie ~ (f)utile ?Aux Puces, à l’abri sous le pilier du pont, un homme souriant diffuse à tout venant du concentré de savoir. Il propose, sur deux planches à tréteaux, d’un côté des mangas et, de l’autre, des livres de philosophie, sociologie, histoire, psychanalyse… Prix unique 2 €.
En une prise, pour 20 €, vous ramenez dans votre filet, Spinoza, Benveniste, Duby et son Europe au Moyen Âge, Ruffié et Le Sexe et la mort, une biographie d’Attila, Culture populaire et culture des élites ( XV -XVIII ième siècle) de Muchembled, La fabuleuse histoire du nom des poissons…
Bref, sans lire de la 1ère à la dernière page, de quoi tenir un bon mois. En picorant à droite et à gauche selon l’humeur, de quoi mesurer l’étendue de mon ignorance.
Dans la dernière pêche, il y avait aussi Erec et Enide. Le premier roman (vers 1170) du premier grand romancier français, Chrétien de Troyes. Roman d’aventures, roman d’amour courtois : le roi Arthur, les chevaliers de la Table ronde…
Le livre s’est ouvert sur la page que voici et, par l’écriture, tout un monde d’il y a 9 siècles s’anime, plein de fraîcheur :
Ecoutez maintenant la joie et le plaisir
qu’il y eut dans la chambre et au lit.
La nuit, quand vint le moment de s’unir,
évêques et archevêques étaient présents. (…)
Le cerf traqué, tout pantelant de soif,
ne désire pas tant la fontaine,
l’épervier affamé
n’accourt pas si volontiers au réclame
que tous deux n’étaient impatients d’arriver
au moment où ils seraient dans les bras l’un de l’autre.
Cette nuit-là, ils ont bien rattrapé
le temps qu’ils avaient perdu.
Quand la foule a quitté leur chambre,
ils rendent la liberté à leur corps tout entier,
leurs yeux se recréent à contempler,
eux qui ouvrent la voie à l’amour
et envoient leur message au cœur,
tant ils prennent plaisir à tout ce qu’ils voient.
Après le message des yeux,
vint une jouissance bien plus grande :
la douceur des baisers qui sont les appâts de l’amour.
Tous deux font l’épreuve de cette douceur
et en abreuvent leur cœur au-dedans,
au point qu’ils ont grand’peine à séparer leurs lèvres.
La baiser fut le premier jeu,
mais l’amour qui les unissait l’un à l’autre
rendit la pucelle plus hardie :
rien ne l’a effarouchée.
Elle souffrit tout quoi qu’il en coûtât.
Avant qu’elle sortît du lit,
elle avait perdu le nom de pucelle :
au matin, elle fut nouvellement dame.Chrétien de Troyes, Erec et Enide
Edition critique, traduction de J-M Fritz
Livre de poche, 1992
Boileau verse dans le porneau… C’est du beau !
Le livre, ce bel objet: http://www.youtube.com/watch?v=Q_uaI28LGJk
🙂 Merci ! et je vois que vous avez lu l’article Gravatar avec attention.