Le langage silencieux. 70 % ! Mais c’est énorme !
Avr 19th, 2012 | Par boileau | Catégorie MàJ, Notes & notionsCoupe de cheveux et bijoux
En communication orale, l’essentiel de nos messages passent par le non-verbal, le langage silencieux.
Environ 70 %. 70 % !
Je parle à quelqu’un ? J’éclaircis et soutiens mes propos par
– mon regard, les mimiques de mon visage ;
– les gestes de mes mains, la posture de mon corps ;
– le débit, la tonalité de ma voix.
Parlent aussi pour moi mes vêtements, ma coupe de cheveux, mes bijoux et bracelet-montre, mes mouvements de pied, mon serrement de main, mon eau de toilette, bref … tout ce qui compose le langage silencieux.
(voir E .T. Hall et les travaux de Birdwhistell)
De façon automatique, au volant, je m’adapte à la circulation.
De même, quand je m’adresse à mon interlocuteur, mon cerveau s’adapte à ses réactions verbales mais aussi non verbales. Il y a rétroaction.
– Je sens qu’il ne comprend pas ?
Je ralentis. Je me répète. Je précise.
– Je devine son ennui ou son exaspération …?
Je raccourcis. Je m’ajuste ou, au contraire, je perds pied.
– Je le sens intéressé ?
Cela me stimule. Je deviens encore plus convaincant.
– …
Tirons-en les conséquences !
Trois corollaires à la prépondérance du langage silencieux :
1. Entendre le langage silencieux de mon interlocuteur est capital. J’en saisis déjà, par habitude, une bonne part.
Apprendre à décrypter davantage ce langage est un atout *. Les douaniers et les enquêteurs sont formés à ces techniques. Ils y sont redoutables.
Tout ce que peut dire une cigarette allumée…
2. Je dois soigner mon propre langage silencieux, mes attitudes et mon apparence. Ce langage silencieux construit mon image et ma signature.
Saviez-vous que les chaussures – leur état, leur type – en disent énormément à votre sujet ? Davantage que vos vêtements. Vieux truc qu’utilisent, par exemple, les hôtesses et les prostituées pour jauger leur client.
3. En écriture, le non-verbal est très limité. La règle des 70 % ne s’applique pas.
Mon lecteur est sourd et aveugle. Sourd au son de ma voix et à mes intonations. Aveugle à mes mimiques.
Sourd et aveugle, je le suis aussi : tout est silence, même si mon lecteur rit, soupire ou baille. Impossible de m’ajuster en permanence. Et de toute façon, notre communication est décalée dans le temps.
En écriture, je ne dispose donc que de mots : les mots que je choisis, leur agencement dans mes phrases, mon orthographe, la construction de mes paragraphes. Rien que des mots et leur mise en page (le langage scripto-visuel).
Bref
Le langage silencieux (non verbal) constitue l’essentiel de mes propos oraux.
L’écriture exige toute mon attention pour compenser l’absence de langage silencieux et pour éviter que ne fleurissent les malentendus.
L’écriture, c’est donc de l’orfèvrerie. Du grand art. Cela demande du temps.
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photo : © eb
<clic> et la photo est plus belle.
University of British Columbia’s Museum of Anthropology
Texte du 15 juillet 2011 révisé en avril 2012.
* Ces gestes qui parlent à votre place. Joe Navarro, Pr Marvins Karlins
Ixelles Editions 2010.
Mentionné par Trends-Tendances
J’aime beaucoup cet article, c’est tellement vrai que lorsque l’on passe au langage écrit chaque mot doit être pesé, mesuré pour que celui qui reçoit le message le comprenne dans le sens voulu.
Parce que même avec les bons mots il reste toujours une part d’interprétation.
C’est pour cela aussi que le “langage sms” provoque parfois des conflits d’interprétation justement parce qu’on veut dire un maximum de choses avec un minimum de mots et ça ne marche pas.
Bonjour Nadine. C’est exactement le défi de l’écriture. Et finalement écrire un sms efficace est un exercice compliqué (et ceux qui critiquent les jeunes et leurs sms n’ont sans doute rien compris).
“la differenza tra me e te”, c’est clair et concis et pesé 🙂
J’ai beaucoup apprécié aussi. C’est une matière que j’enseigne en mettant en évidence combien cette connaissance et cette conscience du langage non verbal sont importants en politique, a fortiori depuis la médiatisation télévisée des débats. Cela devient même une véritable science et un objet de coaching.
Mais nous qui enseignons, nous sentons à chaque instant l’impact de ce langage sans mots, plus puissant que nos mots et universellement compris.
Merci Christine. Je n’ai rien à ajouter.