Vas-y. Chante ! 

La sonnerie les libérerait dans dix minutes, pourtant la leçon de conjugaison se terminait à l’instant. Les élèves se tortillèrent sur leur siège : il y aurait donc supplice aujourd’hui. Le décor préparé, qui serait la victime de la semaine ?
– Luc, lève-toi, prends l’éponge et nettoie le tableau ! dit le frère en descendant de l’estrade.
Les mains croisées dans le dos de sa soutane, il parcourut les rangées entre les bancs, regardant à droite, à gauche les cahiers ouverts.
Craquements des bottines noires, silence des élèves figés derrière leur pupitre, yeux fixés sur le tableau. Seuls les deux garçons en tête de la rangée de droite – les premier et deuxième de classe – s’étaient tournés vers le maître tout en apprêtant leur cartable.

Elle, elle se tenait droite. Affaissée, elle aurait attiré l’attention. Seigneur, épargne-moi. Qu’il ne me touche pas ! 
Si le frère la désignait, elle devrait se lever, remonter la rangée, lui sur ses pas l’enveloppant dans l’odeur de beurre rance de sa soutane. Elle entendrait le soulagement des autres élèves – bruits de pieds, soupirs, murmures –  avant monter sur l’estrade tandis qu’il rejoignait son bureau. Alors, dans son uniforme bleu sur le fond noir du tableau, plantée raide au milieu, offerte aux yeux de tous, le vide dans la tête, le rouge aux joues, la moiteur aux mains le long du corps, elle fermerait les yeux. Et puis, au signal, trop fort, trop haut, trop vite à cause des ricanements des deux premiers de classe, elle devrait entonner cette chanson qu’ils détestaient tous Enfants de tout pays Tendez vos mains meurtries Semez l’amour Et puis donnez la vie Enfants de tout pays…

Vas-y. Chante ! Pour qui claquerait l’ordre?

Ah ! l’impératif présent, 2e personne du singulier. S ou pas S final ?

– Sans S final : les verbes en -er
Chante ! Lève-toi ! Range ta chambre !

– Avec S final : les autres verbes
Prends ma main ! Finis ta soupe !

Bref

Venge-moi, venge-toi ;
Montre-toi digne fils d’un père tel que moi.
(…) Va, cours, vole, et nous venge.
                                                                      Corneille, Le Cid

Grâce aux exceptions, les règles deviennent un plaisir :

1. Sans S, l’impératif présent des verbes suivants :

– cueillir, recueillir accueillir : cueille, accueille, recueille
– avoir, savoir, vouloir : aie, sache, veuille
– ouvrir, couvrir : ouvre, couvre
– souffrir, défaillir, assaillir, tressaillir : souffre, défaille, assaille, tressaille.

2. Sera ajouté un S phonétique aux verbes à l’impératif sans S
si l’impératif est suivi du pronom EN ou Y sans être suivi d’un infinitif 

Vas-y. Penses-y. Cueilles-en. Donnes-en

Mais  :
– Va y voir ce qui se passe. Va en chercher un kilo  : présence d’un infinitif.
– Va en train, souffre en silence : en est ici une préposition.

Assez pour aujourd’hui. Il reste à inventer une autre histoire pour introduire la règles des traits d’union.
Bon, il y a plus grave dans l’existence.

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One girl, two boys, three friends
eb © 2013
Salut à vous trois !