Une phrase anaconda ! Amenez la tronçonneuse !
Oct 18th, 2012 | Par boileau | Catégorie + Casse-tête & charabiaForçats des champs
Le Monde du 16 octobre 2012, dans son article Les nouveaux forçats des champs dit ceci :
Selon Oxfam, l’industrie cigarettière impose ses conditions aux agriculteurs, dont les profits ont fondu, ce qui les incite à recourir à des sans-papiers travaillant 6 jours par semaine, 12 heures par jour, parfois pour 65 dollars la journée.
Qu’en pensez-vous ? Rien… Bon d’accord.
boileau perplexe
Ce dont les profits ont fondu est perturbant.
boileau a relu trois fois l’ensemble de la phrase. Hier, il croyait que c’était les profits de l’industrie cigarettière qui avaient fondu. Il supposait une erreur de syntaxe : une proposition relative mal placée.
Bien sûr, aujourd’hui, à la troisième lecture, il apparaît que ce sont les profits des agriculteurs qui ont fondu. Ce sont donc eux qui exploitent des sans-papiers.
Le lecteur a raison
Le lecteur a presque toujours raison. Il est roi, comme un client. Pour autant qu’il lise un article dont il est la cible.
Le journal, cela se lit durant les pauses, en fin de journée. Pas au travail. Parfois dans le métro. L’attention est donc engourdie ou instable. Et si c’était au rédacteur à se soucier davantage des conditions de lecture et à faciliter la compréhension ? Et si la phrase était compliquée par inadvertance de sa part ?
Trop de notes !
Deux choses :
a. Cette phrase fait près de 40 mots.
Elle contient deux propositions relatives – dont les profits ont fondu / ce qui les incite – et un participe présent – des sans-papiers travaillant 6 jours – : me voilà devant un mètre pliant, une phrase anaconda.
b. Cette unique phrase contient trop d’idées.
1. l’industrie cigarettière impose ses conditions aux agriculteurs,
2. les profits des agriculteurs ont fondu,
3. ces agriculteurs recourent donc à des sans-papiers,
4. ces sans-papiers travaillent 6 jours par semaine…
Grammaire, syntaxe, vocabulaire corrects ; mais l’esprit se perd dans ce dédale.
Bref, la tronçonneuse
Une unique phrase avec trop de mots et trop d’idées pour le commun des lecteurs ? On tronçonne !
La phrase initiale découpée en tranches donnerait par exemple :
Selon Oxfam, l’industrie cigarettière impose ses conditions aux agriculteurs. Pour pallier à la baisse de leurs profits, ces agriculteurs recourent à des travailleurs sans papiers. Ceux-ci travaillent 6 jours sur 7, 12 heures par jour, parfois pour 65 dollars la journée.
Retenons l’essentiel : les conditions de travail de ces sans-papiers sont révoltantes.
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photo : © eb 2010
Tu sais que je partage souvent ton point de vue. Mais cette fois, je préfère la 1ère version.
En pleine réflexion sur “comment expliquer aux membres d’un forum qu’il est est important de bien écrire bien pour être compris” je reviens sur mon commentaire.
Ni version originale ni la tienne ne sont satisfaisantes. Dans les deux cas les phrases ne sont pas très claires. Je propose donc une autre formulation.
Selon Oxfam, l’industrie cigarettière impose ses conditions aux agriculteurs (L’idéal serait de dire ce qu’Oxfam impose. Là c’est trop vague). Pour pallier à la baisse de leurs profits, ces agriculteurs recourent à des travailleurs sans papiers. Ceux-ci travaillent 6 jours sur 7, 12 heures par jour, parfois pour 65 dollars la journée.
Le lecteur ne va rien y comprendre : je suis d’accord avec Magalo et je reprends donc la phrase qu’elle propose dans le corps de l’article, en remplacement de la mienne.
Merci Magalo.