Ecrire pour le web, c’est écrire pour Zorro

Fév 9th, 2014 | Par | Catégorie ° pour le Web

boileau copywriterVous ne lirez pas ceci (vous avez tort).

Je m’appelle Ishmael. Mettons. Il y a quelques années, sans préciser davantage, l’envie me prit de revoir le monde de l’eau. C’est ma façon à moi de chasser le cafard et de me purger le sang. Quand je me sens des plis amers autour de la bouche, quand mon âme est un bruineux et dégoulinant novembre, quand je me surprends arrêté devant une boutique de pompes funèbres ou suivant chaque enterrement que je rencontre, et surtout lorsque mon cafard prend tellement le dessus que je dois me tenir à quatre pour ne pas, délibérément, descendre dans la rue pour envoyer dinguer les chapeaux des gens, je comprends alors qu’il est grand temps de prendre le large.

Un allegro con brio à couper le souffle, voilà ce qu’on  a dit de cette attaque inspirée – le premier paragraphe de Moby Dick.
Juste. Un monument de la littérature américaine. A lire. Mais dans un fauteuil, sous la lumière chaude de l’abat-jour.
Assis sur une chaise de bureau, devant un écran, avec des dossiers autour de soi et le téléphone qui peut sonner à tout moment, ce paragraphe ne sera sans doute pas lu. On n’écrit pas ainsi sur le web.

Le lecteur scanne la page web

Une page web, seuls deux lecteurs sur dix la lisent à l’ancienne, en commençant par la première phrase et en poursuivant -peut-être – jusqu’à la dernière, comme une tête de lecture sur un disque vinyl.
Les huit autres la survolent en Z, ils la scannent. 
Deux ou trois secondes pour en évaluer l’intérêt. Sans la lire vraiment.
Il faut le dire et le redire : Le lecteur, c’est Zorro. Zorro, il arrive, et il est déjà parti. Sauf si son regard est accroché par quelques repères l’incitant à rester un instant sur le texte : son œil – vif et rapide – parcourt les titres, les intertitres et les premières lignes. Son attention est émoustillée par les listes à puces, mots en gras, citations, liens…
Bref, ce qui interpelle, structure et simplifie le pousse à lire.

Sur le web, on écrira plutôt

Le cafard, Ishmael, comment le ressentez-vous ?
Et comment vous en purger ?

Les symptômes du cafard sont, chez moi  :
– les plis autour de la bouche,
– la noirceur de l’humeur,
– l’arrêt aux vitrines de pompes funèbres,
– la marche derrière les cortèges funéraires,
– le besoin d’envoyer dinguer, en rue, le chapeau des gens.

Il est alors urgent que je prenne le large : la mer chasse mon cafard. 

C’est structuré, des mots sont mis en évidence  : les chances que le lecteur Zorro  lise la page sont multipliées.
D’accord ! Question poésie et littérature, on y perd au change. Mais s’il s’agit d’être lu et compris – l’objectif de tout écrit utilitaire publié sur le Web – c’est gagnant.
Sur la Toile, la règle est de communiquer non pas avec grandeur et émotion, mais avec rapidité. Tout l’art est d’y vite utiliser la fenêtre d’attention – fenêtre si étroite – qu’offre le lecteur.

 

La lisibilité et le taux de lecture d’une page web est meilleure avec 

– le soin porté à la mise en page 

  • les titres et intertitres avec des polices de taille différente
  • le découpage en paragraphes pour chaque idée maîtresse
  • les caractères gras
  • le soulignement
  • la couleur, sans effet sapin de Noël ou Dingoland
  • les listes à puces ou les listes numérotées
  • les caractères italiques, avec modération
  • les images  

Le tout sans abuser.

– les techniques d’écriture design

  • des phrase brèves de 14-18 mots,
  • des mots concrets d’une ou deux syllabes de préférence,
  • des mots utiles : suppression des adverbes, pléonasmes, adjectifs, négation…

Ecrire design est une technique. Les techniques, cela s’apprend.
Voici une série d’articles boileau proposant du design dans
– la phrase
– le choix des mots
– la structure du texte
– le ton et le style

Bref, écrire pour le web, c’est écrire pour Zorro. Et Zorro, il est impatient, soucieux de son temps et d’efficacité.
Huit lecteurs sur dix se comportent comme Zorro.
Ces lecteurs sont accrochés par la mise en page et les concepts de l’écriture design.

 

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Source d’inspiration  : Henning, K. (2001). Writing for Readers Who Scan.

Moby Dick, Melville
photo : © eb
<clic> et la photo est plus belle.
L’Accident : une nouvelle du Hareng. Prendre le large

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5 commentaires to “Ecrire pour le web, c’est écrire pour Zorro”

  1. […] Ecrire pour le web – écrire pour Zorro – c'est écrire pour un lecteur impatient, désordonné, vite distrait.Comment retenir et faire lire Zorro ? (Un texte littéraire passé à la moulinette de l’écriture web.  […]

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